vendredi 27 novembre 2015

Le Kirghizistan, ses montagnes et ses habitants

PARCOURS AU KIRGHIZISTAN

     Après avoir traversé la vallée de Ferghana en Ouzbékistan, j'arrive au Kirghizistan plus précisément à la ville d'Osh. La traversée de la frontière montre bien la différence de régimes entre ces deux pays. Côté ouzbeks, déclaration à remplir, fouilles des bagages, vérification des photos ("ne vous inquiétez pas monsieur le Douanier, vous ne trouverez pas de photo de champs de coton".) Côté kirghize, un tampon sur le passeport et un grand sourire du douanier accompagné d'un "welcome to Kyrgyzstan".

     La ville d'Osh me surprendra dès mon arrivé. Très différente des villes ouzbeks, son bazar grouille de vie. Les stands sont fait de containers, des bâches en plastique sont installées pour les jours de pluie. Chaque métier a son espace et on peut passer des marchands de légumes aux marchands de fer à cheval ou des stands de vêtements à l'espace réservé aux forgerons. Entre deux on s'écartera pour laisser passer la carriole qui transporte les pieds de bœufs et têtes de mouton. Les coiffes et les habits traditionnels rajoutent du folklore à tout cela. Je dois bien dire que le bazar d'Osh est mon préféré depuis le début du voyage.



Chapeau traditionnel du Kirghizistan
Pieds de bœufs et têtes de mouton
Osh

     Seule déception concernant cette ville, on m'interdira de rentrer dans les mosquées. C'est le premier pays où je me fais jeter lorsque j'essaye de pénétrer dans un lieu religieux. La manière dont on me demande de sortir me laisse aussi un goût amer. D'un revers de main, on me fait signe de dégager comme on le ferait pour un chien. J'essayerais d'engager la conversation et de comprendre mais personne aux alentours ne parle anglais pour m'aider.

     Je pars ensuite pour Bishkek, la capitale. La route entre les deux plus grandes villes du pays est enclavée dans les montagnes. Les arrêts pour laisser passer les nomades déplaçant chevaux ou moutons sont fréquents. Un couple m’emmène sur 500 km. Le grand-père roule à une vitesse folle et double dans les virages. Je n'aurais jamais aussi peur en voiture. Cependant le paysage est à couper le souffle.

Troupeau de chevaux sur la route




     Bishkek n'a rien de passionnant, mais j'y resterais plusieurs jours pour effectuer mon visa pour la Chine. Je renoncerais finalement à le faire dans cette ville à cause du coût trop élevé et du tracas administratif (je vous raconterais tout ça dans un prochain article.)

     Je décide de faire le tour du lac Issik-Kul, deuxième plus grand lac de montagne après le lac Titicaca. L'auto-stop, comme en Ouzbékistan, s'avère facile même si certains demandent de l'argent, l'attente est rarement de plus d'une demi-heure. Je profite de ce tour du lac pour visiter les pétroglyphes de Cholpon-Ata, certains datant de 800 avant JC.

Lac Issik-Kul

Lac Issik-kul à Cholpon-Ata, mi-octobre, c'est aussi le printemps ici.

Pétroglyphe de Cholpon-Ata

Pétroglyphe de Cholpon-Ata

     Je reste ensuite trois jours dans la ville de Karakol à l'Est du lac et en profite pour visiter les montagnes alentours qui font la richesse du pays. Les randonnées ne sont pas ce qui manquent dans ce pays. Marcher avec en ligne de mire les monts enneigés ou apercevoir un nomade à cheval déplaçant un troupeau de mouton sont toujours des moments qu'on apprécie. Malheureusement, j'arrive un peu tard dans la saison, le froid est déjà installé et les treks dans les alentours ne sont plus vraiment possibles.





     Je profite de ces jours à Karakol pour aller faire un tour au marché aux bestiaux. J'ai été surpris par la qualité des bêtes qui sont pour la plupart en bonne état.


Pas de pont pour faire monter les vaches, il faut les porter

Une touche de tradition, les éleveurs sont à cheval, mais moderne quand même ils ont tous un portable.
     Après ces trois jours, je pars pour Naryn, dans les confins des monts Tian. C'est sans doute un des trajets en auto-stop où j'aurais le plus froid. Il tombe un petit crachin entre neige et pluie. J'attendrais une heure sous un abri-bus pendant laquelle trois ou quatre voitures s'arrêteront mais refuseront de me prendre car je ne souhaite pas payer. En plus du froid, je n'est vraisemblablement pas de chance. C'est finalement un mal pour un bien, le chauffeur qui me sort de là me propose de m'héberger chez lui à Balikchi. Je dormirais donc pour la première fois dans une famille kirghize et découvrirais les traditions du pays.

Mon hôte
     Arrivé à Naryn le lendemain, je profite encore une fois de la nature environnante. Il n'y a d'ailleurs pas grand chose d'autre à faire dans cette ville.

La Naryn, une des principales rivières du Kirghizistan, affluent du Syr-Daria.



     Je décide de m’enfoncer encore plus dans la montagne, avec comme plan d’aller à Kazarman. L'auto-stop s'avère très facile malgré le fait que les routes soient en mauvaises état et que le nombre de voitures à l'heure les utilisant se compte sur les doigts de la main. Après plusieurs petits lifts, je finis par arrêter un camion. Arrivé au village de Kosh-Döbö, mon chauffeur m'annonce que le col permettant d'aller à Kazarman est fermé à cause de la neige. Je resterais tout de même une journée dans ce village pour avoir un aperçu de la dure vie à la campagne. Un des passagers du camion me propose de m'héberger, mais je comprendrais plus tard que la maison dans laquelle il me propose de dormir n'est pas la sienne, mais celle de son frère. Il s'éclipsera ensuite après avoir bu une demi-bouteille de vodka pour ne réapparaître que le lendemain et me laisser avec la famille de son frère. Heureusement celle-ci est plus qu'accueillante et fera tout pour que mon séjour chez eux se passe au mieux.

Famille qui m'accueille

Le chauffeur du camion qui m’amena à Kosh-Döbö


Premier réveil sous la neige de ce tour du monde. 


Cheval-stop. Bon, c'est pas tout à fait du stop car je suis resté la plupart du temps à l'arrêt n'étant pas très à l'aise sur un cheval.

     Je repars le lendemain avec le camion qui m’a déposé au village la veille. Nous sommes un peu serrés dans la cabine du camion car nous sommes cinq adultes et un enfant à se partager la banquette plus le conducteur. Mon record pour le moment. Je suis pour ma part à côté du chauffeur, obligé de me contorsionner dès qu'il passe une vitesse, pas ce qui l’y a de plus confortable.

    Je retourne ensuite à Bishkek, mais souhaite passer par une nouvelle route. Celle que je prends n’est pas des plus fréquentés, mais je trouve encore une fois facilement des gens pour m’aider. Les passagers de la voiture se sont même serrés à quatre à l’arrière pour me laisser la place à l’avant. La nuit tombant, un des passagers me propose à nouveau de m’héberger. Si vous cherchez où dormir au Kirghizistan, sachez que l'auto-stop marche mieux que le CouchSurfing.

Auto-stop sur les routes kirghizes

Famille d'accueil

     Je continue à lever le pouce en direction de l’Est le lendemain. Une partie de la route est en train d’être refaite. Un pick-up avec des ingénieurs la construisant me prennent sur quelques km. Plusieurs d’entre eux sont Chinois. On m’explique que c’est la Chine qui paye pour la construction de la route. Celle-ci, qui bifurque à un moment de la route que je prends pour me rendre à Bishkek, n’amène qu’à un seul endroit selon ma carte : une mine d’uranium. Je comprends mieux pourquoi les Chinois investissent dans certaines routes des pays voisins.

     La route que je suis censé prendre s’est transformée en piste et seuls quelques camions transportant du charbon l’utilise. J’arrive à en stopper un et il m’emmènera dans une étroite vallée suivant un cours d’eau. Le paysage est magnifique, avec la neige qui recouvre les sommets. Mis à part la piste, le paysage est vierge de toute trace humaine. Nous rejoignons une partie de la route Osh – Bishkek que j’avais prise avec le grand-père qui conduisait assez dangereusement. Alors qu’un col de 60 km (montée et descente) a été passé en une heure et quart lors de mon premier trajet il sera fait ici en plus de quatre heure. La montée mettrait une heure à 20 km/h et les 40 km de descente seront encore plus lents : 15 km/h. Je ne trouverais jamais autant le temps long qu’à ce moment.

A travers la vallée

     De retour à Bishkek, je passerais la frontière le lendemain pour me rendre à Almaty au Kazakhstan.

Mon trajet au Kirghizistan


LA VIE AU KIRGHIZISTAN


     Les nombreuses rencontres et les hébergements chez l'habitant à la campagne qui ont ponctués mon trajet m'ont permis d'avoir une idée de ce qu'est la vie au Kirghizistan. Ce pays est le plus pauvre d'Asie centrale et le plus pauvre que j'ai eu l'occasion de visiter jusqu'alors. Ce qui m'a le plus frappé, c'est l'état des maisons à la campagne. A 3000 mètres d'altitude, comme c'est le cas à Kosh-Döbö, les températures descendent jusque - 20 à - 30°C pendant la nuit en hiver. Cependant, l'isolation des maisons est inexistante. Les vitres sont du simple vitrage et sont gelées à l'extérieur le matin. La température au sein de la maison n’excède pas quelques degrés. Tout le monde garde d'ailleurs son manteau à l'intérieur. 

Le bonnet est de mise à l'intérieur de la maison

      Pour dormir, un poêle permet, le plus souvent, de garder une température correcte. Celui-ci est alimenté au charbon à la campagne comme à la ville. Lors de mon retour à Bishkek après avoir visité le pays, j'ai été frappé par la pollution au dessus de la ville. Les usines à charbon rejetaient une fumée noire envahissant toute la ville, qui ajouté à la consommation du minerai par certains particuliers, rendaient l'air irrespirable. La production de charbon du Kirghizistan ne pouvant suivre la consommation, le pays importe à des coûts élevés. Si l'exportation était diminué et les surcoûts liés à celle-ci investis dans l'isolement basique des habitations cela ne pourrait qu'être bénéfique pour l'environnement et la santé des habitants de Bishkek.

Mieux voit avoir une bonne couverture et se serrer les uns contre les autres.
    Parmi les autres faits marquants de la pauvreté à la campagne, aucune habitation n'a l'eau courante. Les villageois doivent aller remplir leurs sceaux à la pompe au coin de la rue. 


Pompe à eau

     Autre constatation surprenante, dans les familles, la confiture est presque un plat à elle toute seule. Toutes les familles que j'ai rencontré faisaient leurs propres confitures et celles-ci sont consommées à chaque repas où à chaque fois qu'on sert le thé. Souvent, elles sont accompagnées de viande et de beignets lors du repas du soir. Pas le genre de mélange auquel j'aurais pensé, mais au final ce n'est pas mauvais. Dans la rue, on retrouve beaucoup de samosas à la viande, aux oignons ou tout autres mixtures.

Confitures, beignets et thé sont de tous les repas

Repas de fête lors d'un mariage auquel j'ai assisté

     Concernant les boissons, le thé est, comme dans beaucoup de pays d'Asie, le breuvage principal. Ce qui m'étonne, c'est qu'ils ne boivent jamais d'eau "pure", mais toujours avec du thé. Après avoir bu bu cinq bols minimum le soir car la grand-mère me ressert à chaque fois sans que je puisse refuser, ma vessie ne tient pas jusqu'au lendemain matin. Se lever à 2h du matin et devoir traverser le jardin car les toilettes en sont à l'autre bout, le tout sous la neige, n'a rien de très agréable.

     L'autre boisson très (trop) consommée est la Vodka, ancien pays de l'URSS oblige. Il n'est malheureusement pas rare de voir quelqu'un ivre titubé dans la rue, en ville ou à la campagne. Il m'est arrivé plusieurs fois d'être accosté par un homme bourré qui veut me serrer la main et ne me la lâche plus. Souvent il réclame de l'argent pour aller s'acheter une autre bouteille.

     Je semble être le seul à trouver cela particulièrement agaçant, beaucoup de gens s'amusant plus de voir quelqu'un saoul. En auto-stop, plusieurs conducteurs se sont arrêtés pour qu'un des passagers puisse aller s'acheter une bouteille de vodka et la consommer dans la voiture. Ils boivent une bouteille de vodka de la même façon qu'ils fument une cigarette. 

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